top of page

LE MAILLON CENTRAL DE L'AXE MAJEUR

L’Avenue de la Grande Armée est le segment central de l’Axe majeur de Paris, une perspective continue de plus de 8 kilomètres, dessinée par André Le Nôtre en 1666, et dont le patrimoine architectural raconte les quatre derniers siècles de notre histoire. Il est rythmé aujourd’hui par une succession de monuments mythiques, du Louvre à l’Arche de La Défense en passant par l’Obélisque et l’Arc de Triomphe, tous mis en valeur par une topographie singulière (la colline de l’Étoile et la Seine aux deux extrémités).

©PCA STREAM

L’Axe majeur concentre de façon exceptionnelle les lieux de rayonnement français :
— Le rayonnement politique : Présidence de la République, Hôtel de Ville, mairies, institutions publiques, ambassades américaines et britanniques...

— Le rayonnement économique : La Défense, plus grand quartier d’affaires européen, le Palais des Congrès de Paris, 40 % des sièges du CAC 40.
— Le rayonnement culturel : le Louvre, l’Orangerie, le Grand Palais, le Petit Palais, le Palais de la découverte, les 70 œuvres exposées en plein air à La Défense, La Paris La Défense Arena, plus grande salle de spectacle d’Europe...

C’est enfin une infrastructure, à la fois routière (au trafic comparable à celui des Champs-Élysées), et de transports en commun (bientôt plus de 2 millions de passagers par jour, avec l’arrivée de la nouvelle gare Éole Porte Maillot).

UN SIÈCLE SANS RÉAMÉNAGEMENT

Depuis une décennie, tout change, et l’Axe connaît un bouleversement rapide, avec une densité de projets de réaménagement sans précédent. À Neuilly, d’abord, où le maire Jean-Christophe Fromantin a lancé une réflexion visionnaire sur l’Axe majeur, aidé par des architectes de renom, dont Sir Norman Foster et Renzo Piano. Un prélude à la transformation de l’Avenue Charles de Gaulle en Allées de Neuilly d’ici fin 2024, et à la reconfiguration de la Porte Maillot d’un rond-point automobile en un axe, qui a permis de retrouver la perspective historique.

 

Paris La Défense, de son côté, a lancé un vaste réaménagement de son parvis, avec la création de nouveaux lieux de vie mixtes (Oxygen, Table Square) la transformation de l’esplanade en un parc de 5 hectares, dessiné par Michel Desvignes, attendu pour 2026.

 

Les Champs-Élysées, eux, feront l’objet d’une transformation en deux temps, comme l’a annoncé publiquement la Maire de Paris Anne Hidalgo en mai 2022 : avant les Jeux olympiques (embellissement de l’avenue et des jardins, élargissement de l’anneau de l’Arc de Triomphe), et après les Jeux (réaménagement ambitieux du haut et du bas de l’avenue, ainsi que des jardins, et de la place de la Concorde), d’ici 2030.

Au centre de cet Axe majeur, l’Avenue de la Grande Armée est le seul segment à n’avoir connu aucun réaménagement depuis près d’un siècle.

L'AVENUE DE LA GRANDE ARMÉE, EMBLÈME DE LA BELLE ÉPOQUE

Sur l’Axe majeur, l’Avenue de la Grande Armée présente une identité singulière, héritée du Second Empire, qui se distingue nettement de celle des Champs-Élysées ou de Neuilly. Son histoire épouse celle de la Belle Époque et donne de précieux indices pour entrevoir le renouveau de l’Avenue.

L’Avenue de la Grande Armée trouve son origine au milieu du 19e siècle, entre deux bornes et deux « murs » : d’un côté l’Arc de Triomphe, achevé en 1836 sur la place de l’Étoile, où passe encore l’enceinte des fermiers généraux ; et de l’autre la Porte Maillot, transformée en bastion et en octroi par les fortifications de Paris d’Adolphe Thiers dès 1844, autour desquelles s’étend une zone « non aedificandi » où il est interdit de bâtir pour mieux prévenir d’éventuelles attaques. C’est alors la principale entrée dans Paris sur sa façade ouest. L’Avenue de la Grande Armée naît réellement quelques années plus tard, en 1864, lorsque Napoléon III la rebaptise en hommage aux campagnes militaires de son oncle Napoléon Ier. L’Avenue de la Grande Armée se lotit, s’aménage et se construit à la Belle Époque, selon les canons du Baron Haussmann.

L’une des promenades préférées des Parisiens

À l’époque, l’avenue de la Grande Armée est une avenue large de 70 mètres, qui a pour particularité de comporter une ample voie centrale pour la circulation des calèches, deux grandes promenades ombragées sous un quadruple alignement de 300 arbres, des contre-allées pour deux voitures à cheval et des trottoirs bordés d’immeubles de 5 ou 6 étages, de commerces, de restaurants et de limonadiers. L’animation y bat son plein, notamment parce que l’artère mène des Champs-Élysées au Bois de Boulogne, une destination qui va marquer son identité. Le réputé « Guide des plaisirs à Paris » de l’époque recommande « qu’après un après-midi au Bois de Boulogne, on se doit de finir Avenue de la Grande Armée, dans les restaurants et les music halls ».

La Porte du Bois et des loisirs modernes

Depuis la place de l’Étoile, on peut en effet rejoindre le Bois par l’Avenue de l’Impératrice (l’actuelle Avenue Foch) et par l’Avenue de la Grande Armée, plus animée. Le Bois de Boulogne est réaménagé en 1850 par Adolphe Alphand, Directeur des promenades et plantations de la préfecture de la Seine. L’ancienne réserve de chasse royale est transformée en parc à l’anglaise, sur le modèle de Hyde Park que Napoléon III a connu en exil. Un parc conçu pour la promenade et les loisirs, avec ses allées sinueuses, ses îles, ses chalets suisses et ses lacs pittoresques. Le Jardin d’Acclimatation est ensuite créé : parc à vocation éducative et scientifique où l’on expose girafes, zèbres et kangourous, et qui rencontre immédiatement un grand succès. Un petit train à vapeur y emmène les visiteurs depuis la Porte Maillot.

Le Bois de Boulogne devient rapidement un lieu autant mondain que populaire. Les Parisiens y découvrent les plaisirs et les loisirs modernes, le vélocipède, le patin à glace, les grandes fêtes. Ils viennent aussi profiter des lieux 

de divertissement éphémères qui s’installent sur les terrains inconstructibles au pied des fortifications de l'enceinte de Thiers : le théâtre Columbia (1900), le Printania (1905), puis l’immense Luna Park (1908), l’un des premiers parcs d’attractions en France, qui restera en place jusqu’aux années 1950, avec ses auto-tamponneuses, ses montagnes russes et ses toboggans géants, à quelques mètres des grands immeubles.

L’Avenue de la Grande Armée accueille aussi les plus grands événements du début du siècle : les premiers tours de France automobiles ont leur départ et leur arrivée à la Porte Maillot, le tour de France cycliste s’élance plusieurs fois du Luna Park. Les défilés militaires remontent l’Avenue de la Grande Armée pour passer sous l’Arc de Triomphe, jusqu’à l’installation de la tombe du Soldat inconnu en 1920.

Le temple des mobilités

 

Au tournant du siècle, la Porte Maillot est encore une vraie porte, avec sa grille et son octroi. Très fréquentée, elle est naturellement devenue le point de départ ou le terminus de nombreuses lignes de transports. Les compagnies de calèches y ont leurs dépôts, les tramways partent de la Porte Maillot pour rejoindre le centre de Paris, le Bois de Boulogne ou Saint-Germain. L’avenue de la Grande Armée va ainsi être le lieu de grandes premières en l’espace d’une quinzaine d'années seulement :

— Le test du tout premier tramway à accumulateurs électriques, en 1888.
— L’inauguration de la première ligne de métro parisienne Porte Maillot – Porte de Vincennes pour l’Exposition universelle de 1900.

— La démocratisation du vélo et l’installation sur l’Avenue de la Grande Armée, surnommée « L’Avenue des Cycles », des plus grandes marques comme Werner, Raleigh, Peugeot ou les Cycles Clément, mais aussi du Touring Club de France, qui promeut le cyclotourisme et comptera jusqu’à 800 000 membres.

— La création de la toute première piste cyclable de France, en 1897, sur la promenade côté 16e de l’Avenue de la Grande Armée, obtenue de haute lutte par le Touring-Club. « Les caravanes cyclistes qui déambulent vers le Bois vont pouvoir affronter cette redoutable avenue sans avoir à compter avec le mauvais vouloir des cochers et la colère des maraîchers », raconte ainsi le journal « La Presse » le 6 avril 1897.

— L’accueil du tout premier magasin de motocyclettes des frères Werner, vers 1900. Les autres fabricants, comme Peugeot et Clément, se mettent rapidement à fabriquer des deux-roues motorisés, dont les ventes explosent, aidés par la localisation, proche des usines de Levallois ou d'Asnières, et des pistes d’essais du Bois de Boulogne. Dès 1930, les cycles, motorisés ou non, représentent la moitié des commerces de l’Avenue.

LE TOURNANT DE LA MODERNITÉ ET LA PERTE D'IDENTITÉ DE LA GRANDE ARMÉE

Avec l’avènement du moteur à explosion, la Porte Maillot se transforme en échangeur routier, l’Avenue de la Grande Armée perd sa promenade plantée, sa connexion au Bois de Boulogne, ses événements populaires et se monospécialise dans les deux-roues à moteur thermique.

Dès 1930, l’Avenue de la Grande Armée se transforme pour s’adapter à l’essor de l’automobile individuelle : la chaussée centrale est élargie (deux rangées d'arbres sont déplacées) les promenades ombragées pour piétons deviennent des voies de circulation et de stationnement pour les voitures, et les trottoirs latéraux sont agrandis.

Quelques années plus tard, deux concours d’architecture sont lancés pour transformer la Porte Maillot. Les projets mo- numentaux du Corbusier, de Sauvage ou de Viret & Marmorat ne verront pas le jour en raison de la guerre, mais leurs principes de gigantisme et de tout-automobile demeurent. La création du périphérique démarre dans les années 1950 et s’achève en 1973 à la Porte Maillot, réaménagée en un immense échangeur. Au bout de l’Axe majeur, La Défense voit le jour et la Porte Maillot invente le tourisme d’affaires, avec la création du Centre international de Paris (futur Palais des Congrès), avec ses salles de congrès, sa tour-hôtel de 1 000 chambres, ses 4 000 places de parking. Les grands sièges sociaux contemporains s’installent en nombre dans les années 1970 (Peugeot-Citroën, Louis-Dreyfus, L’Union Nationale des Coopératives agricoles...). Les commerces de proximité font progressivement place aux grandes enseignes, et à une monospécialisation dans les deux-roues thermiques.

Les maux dont souffrent actuellement l’Avenue de la Grande Armée résultent en grande partie de ces 60 années, qui ont conduit à la perte de la qualité urbaine et architecturale de l’Avenue.

Une autoroute urbaine : la fin de la promenade

L’esprit de promenade a disparu, l’Avenue est devenue hostile aux piétons. Des analyses de flux font apparaître de véritables « verrous » le long de l’Avenue : elle est rarement parcourue d’un bout à l’autre, et peu de piétons viennent naturellement des Champs-Élysées ou se rendent à Neuilly. Ils sont entravés par une faible allocation de l’espace sur les trottoirs, et de trop longues et trop étroites traversées de l’Avenue, rendues dangereuses par l’effet d’accélération entre les feux, et des refuges centraux peu rassurants. Les enfants, eux, semblent avoir disparu.

Il faut dire que l’Avenue de la Grande Armée, avec sa chaussée de 30 mètres de large, en 2 fois 3 voies, à la fréquentation comparable à celui des Champs-Élysées, a un gabarit et un trafic similaire à la plupart des autoroutes qui desservent Paris. En conséquence, l’Avenue est presque aussi exposée aux nuisances sonores que le périphérique (au-delà de 75 décibels, soit 15 % au-dessus du seuil de pénibilité fixé par l’OMS). Elle est également l’une des artères les plus polluées de Paris, avec des niveaux de pollution aux particules fines régulièrement supérieurs au seuil de dangerosité.

Le trafic vélo peine à se faire une place sur l’ancienne « Avenue des Cycles », avec 1500 passages par jour en moyenne, contre le triple sur les Champs-Élysées, malgré de nouvelles pistes cyclables créées en 2018, encore pavées et trop proches de la circulation automobile. Le tunnel de l’Étoile, peu engageant, ne remplit pas son rôle de « pont » entre les deux avenues.

50 ans de rupture avec le Bois de Boulogne

Jusqu’en 2023, l’Avenue de la Grande Armée perd également son rôle de «porte verte» de Paris. La construction du périphérique et l’aménagement du rond-point de la Porte Maillot dans les années 1970 avaient créé une coupure de 300 mètres avec le Bois de Boulogne, dont le franchissement au-dessus du périphérique est peu engageant. Coincé entre la porte et le périphérique, le square Parodi, dont les 2 hectares font techniquement partie du Bois de Boulogne, reste vide malgré ses qualités paysagères. La suppression début 2023 du rond-point et le raccordement du square (donc au Bois) à l’Avenue de la Grande Armée, amorcent un vrai changement d’époque.

Une monospécialisation dans les deux-roues thermiques

Les commerces liés aux deux-roues motorisés représentent aujourd’hui environ la moitié de l’activité de l’Avenue, et sont indissociables de son identité. Cette monospécialisation rendait difficile la coexistence avec les autres usages : l’exposition des modèles au droit des devantures sature, par endroits, la majeure partie de l’espace public (trottoirs, stationnements), et les allées et venues des clients motorisés, mal canalisées, créent des conflits d’usage avec les piétons.

4 FAITS MAJEURS VONT SERVIR D'ACCÉLÉRATEUR À LA TRANSFORMATION

Le big bang de la Porte Maillot

La suppression du rond-point et la reconnexion du Square Parodi à l’Axe majeur marquent déjà le retour de l’axe dans l’aménagement urbain. Avec l’arrivée du RER E Éole, le tramway T3, ce sont des dizaines de milliers de voyageurs supplémentaires qui transiteront chaque jour Porte Maillot. L’Avenue de la Grande Armée deviendra la première avenue francilienne accessible par 3 lignes de RER distinctes (A, C et E), auxquelles il faut ajouter 3 lignes de métro (1, 2, 6).

Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024

 

La Porte Maillot et l’Avenue de la Grande Armée figureront parmi les lieux les plus fréquentés: l’Avenue deviendra un « Axe Olympique » apaisé le temps des épreuves, le CIO sera installé au Hyatt, le Palais des Congrès accueillera l’accréditation des 2 500 journalistes, qui raconteront pendant un mois la vie parisienne et les projets de la capitale.

Une concentration d'investissements

Des investissements importants sont réalisés par les investisseurs privés pour transformer leurs bâtiments : le siège rénové d’Invivo et de Visa au numéro 83 (propriété de Sogecap et Invivo), le nouveau siège du BCG au 75 (propriété de Gecina), ou de Sanofi au 46-48 (BNP Paris Cardif), ainsi que ceux de grands groupes au 65 (AG2R La Mondiale) et au 85 (Sogecap) et un projet de commerce ambitieux au 10 (Freo). Autant de futurs points de destination dont les salariés et les visiteurs seront autant d’ambassadeurs d’une avenue transformée.

La révolution des mobilités électriques

 

Les enseignes de mobilités restent encore très présentes sur l’Avenue (encore 24 magasins aujourd’hui), mais elles mutent : elles anticipent l’interdiction à venir des moteurs thermiques en ville et l’engouement pour les mobilités actives et électriques. De nombreuses boutiques de deux-roues électriques, vélos, trottinettes ont ainsi ouvert ces dernières années, profitant d’un marché favorable, avec un accroissement de la part modale des mobilités douces et électriques, et une « unité de valeur » qui rend leur commerce viable. Ceci corrobore l’identité historique séculaire d’«Avenue des Cycles». La position de point d’entrée vers Paris et de point de départ vers le Bois de Boulogne, en fait un terrain d’exploration ou d’essai de véhicules. La création du RER Vélo, dont l’Axe majeur constitue une des voies principales, l’achèvement de deux grandes pistes cyclables côté Neuilly viennent renforcer cet état de fait, ainsi que la présence d’un écosystème d’enseignes, de fournisseurs, d’entrepreneurs, dont certains, comme le groupe Chapat, sont actifs sur l’Avenue depuis 100 ans.

bottom of page